
Mimi no Nikki : Une Japonaise à Paris
Mimi no Nikki : Une Japonaise à ParisYui-Cécilia Kudo alias Mimi dans Mimi no NikkiMimi (Yui Cécilia Kudo)
À mi-chemin entre le film d'animation, le documentaire et le film à l'eau de rose, Mimi no Nikki (le journal intime de Mimi dans le texte) se veut comme étant « le plus français des films japonais ».Miyuki Takayama, dite Mimi, est une jeune japonaise. Depuis toute petite elle rêve de vie et de romance parisienne, la capitale française étant pour elle la Ville de l'Amûûûr. À l'âge de 28 ans, et malgré les réticences de sa famille, elle saute le pas et décide de s'expatrier un an au pays du vin qui pique et du fromage qui pue. Sur place, elle va alors prendre conscience que le tableau idyllique dépeint par Un Américain à Paris ou Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain n'était peut-être pas aussi réel que ça, et que la vie parisienne impliquait aussi des choses moins drôles comme les concierges bizarres, les grèves ou encore le terrible syndrome de Paris.
À l'instar du syndrome de Stendhal ou du syndrome de Jérusalem, le syndrome de Paris est un mal qui touche les touristes. Et plus particulièrement les touristes japonais. Ainsi, les voyageurs nippons en galéjade dans la capitale française, trop déçus de voir plus de taxis malpolis et de travailleurs pressés que d'Amélie Poulain ou de peintres cubistes, plongent dans un état de dépression qui peut avoir des répercutions physiques importantes.
Ainsi, les rêves de Mimi s'effritent peu à peu, de recherche d'emploi en vie amoureuse inexistante, en passant par ce voisin si bruyant... Mais ce tableau qui semble moins brillant qu'espéré dévoile aussi un Paris cosmopolite, moins aseptisé et inattendu.
Un film passerelle
Bren-Ya Ba, le réalisateur et co-producteur de Mimi no Nikki, l'explique : « Le projet du film est né parce que plusieurs personnes de mon entourage m'ont poussé à le réaliser ; je suis marié à une japonaise, aussi, grâce à son expérience de vie dans la capitale, j'ai pu construire ce film comme un guide à l'attention des voyageurs japonais en France pour les mettre en garde contre le décalage entre attentes et réalités quand on est un Japonais qui arrive à Paris. » Le tournage a ainsi eu lieu à cheval entre Paris et Tōkyō. Notez que les séquences filmées au Japon l'ont été peu de temps avant la catastrophe du Tōhoku. Aussi, le film rend hommage aux victimes et à leurs familles.
Le moyen métrage (42 minutes au compteur) se découpe en 4 chapitres correspondant chacun à une saison et à des extraits du journal de la protagoniste, et suivant les hauts et les bas de la vie de Mimi. Car en France comme au Japon, hiver, printemps, été et automne rythment la vie des habitants. L'hiver sera la saison des découvertes ; le printemps celle des attentes ; l'été celle du début de spleen (Mimi est touchée par le syndrome de Paris à ce moment) ; l'automne de la réconciliation avec la ville et de son retour au Japon.

Chacun de ces chapitres est narré dans la langue de Mishima par Suzuka Asaoka (Mais oui ! L'hôtesse de Tokyo Café sur Nolife), qui prête sa voix à Mimi sur les scènes tantôt jouées par la jolie Yui-Cécilia Kudo (qui avant d'être actrice est une virtuose du piano - SORS DE CE CORPS, MEGUMI NODA !), tantôt sur des animations faites à partir des illustrations pastels et sympathiques de Yuko Aoki Legrain.
Surtout, les chapitres sont entrecoupés de « vrais » témoignages (puisque l'histoire de Mimi, elle, est fictive) de « vrais » Japonais installés à Paris. Ces séquences sont la véritable plus-value du film, offrant ainsi l'occasion au public de comprendre pourquoi et comment ces Japonais de Paris sont arrivés dans la Ville Lumière, et ce qu'ils ont appris des fameuses « petites différences » culturelles. Ainsi, les questions de sécurité, d'arnaques, de démarches administratives rébarbatives qui peuvent sembler anodines pour un Français pur jus trouvent un autre éclairage à l'aune de ces témoignages.
Les points qui peuvent fâcherMimi no Nikki est le deuxième film de Bren-Ya Ba. Et malgré une idée de départ très plaisante et fort louable, quelques détails pèchent. À commencer par la technique. Le film a été tourné à l'appareil photo numérique, et ça se sent à l'image. Ainsi, la lumière n'est pas toujours optimale, et le grain de l'image ainsi que la stabilité du cadre sont nettement perfectibles. Quant au son des témoignages, on sent qu'il a été enregistré avec le micro caméra, occasionnant alors un souffle qui rend pénible le suivi de ces séquences particulièrement intéressantes.

D'autre part, le scénario aurait soit très bien pu se passer de l'histoire d'amour entre Mimi et Bastien (interprété par Sylvain Kraisin, aussi crédité comme producteur du film), soit l'étoffer beaucoup plus. Car si Mimi no Nikki joue aussi beaucoup sur des effets dramaturgiques japonais typiques (mimiques exagérées des personnages, marqueurs visuels imaginaires), la platitude de cette romance telle qu'elle est ne sert pas le film. On aurait pu préférer un approfondissement des sujets développés par les intervenants venus témoigner, ou tout simplement en savoir plus sur l'adaptation de Mimi à son nouvel environnement parisien. Mais manifestement, le réalisateur tenait à cette romance et à un happy end doux amer...
Ce qu'il faut retenirCependant, malgré ces petits soucis techniques et ce parti pris scénaristique auquel on adhérera ou non, Mimi no Nikki reste un film à voir pour au moins deux raisons précédemment évoquées. D'une part, les témoignages des Japonais/es expatrié/e/s sont une mine d'information qui fera sourire tout en faisant ce constat navrant que parfois les Français agissent très salement avec les touristes étrangers. D'autre part et consécutivement à ce premier point, le spectateur, qu'il soit japonais ou non, en apprendra plus sur ce mal fort méconnu qu'est le syndrome de Paris.
En outre, on appréciera le jeu plus que correct des acteurs qui ne sont pas des comédiens de profession, ainsi que les dessins à mille lieues du « style manga ».
Mimi no Nikki se permet quelques clichés pour mieux contourner des idées reçues encore plus grosses. Si pour l'heure aucune diffusion large n'est encore prévue, sachez qu'après avoir tourné dans quelques conventions nippones, le film sera projeté prochainement pendant Japan Expo Sud début mars. L'occasion de vous faire votre propre idée.
(source Journal du Japon)